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La prise de risque… Une simple affaire de mécanique!

  • Gérard Guerrier
  • 8 juil.
  • 4 min de lecture

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Secours en montagne périlleux au glacier de la Jonction




Le surfeur de grosses vagues, le  parapentiste qui s’apprête à passer sous le vent d’un col pour raccrocher une hypothétique pompe, le skieur qui amorce le premier virage dans un couloir glacé perché au-dessus d’une barre rocheuse ou, même, le grimpeur néophyte qui passe en tête pour la première fois, obéissent à la même mécanique.

 

Ils « y vont » parce que la résultante de leurs motivations est supérieure à la somme des forces qui les clouent au sol et les tirent en arrière, à commencer par la peur.

 

Il existe dès lors deux stratégies pour affronter des niveaux de risques croissants.

1. Augmenter le niveau de motivation

2. Réduire la résistance des freins, en particulier le niveau de peur


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Il existe, dès lors, une multitude de motivations pour prendre des risques. Les militaires des forces spéciales, par exemple,  sont prêts à exposer leur vie, bien sûr pour le sens du devoir et de la mission, mais avant tout par solidarité envers leurs frères d’arme. Alex Honnold, le grimpeur californien, prend des risques évidents lorsqu’il évolue en free-solo, pour tester et dépasser ses limites, sans aucun doute, mais aussi,  peut-être, pour alimenter son « éco-système » et ses sponsors. Le « Baseux », qui effectue des figures à proximité des mélèzes avec sa wingsuit, le fait pour se sentir vivre intensément mais aussi pour capter le regard des autres. A quoi bon sinon installer une caméra sur son casque et poster le film de son vol sur Youtube dès que possible ?

 

A chacun ses motivations, ou plutôt sa combinaison de motivations. Il importe cependant de faire le tri entre celles-ci, car certains mobiles nous éloignent de la réalité et augmentent alors sensiblement le danger ! Méfions-nous en particulier des poussées de testostérone ou de l’effet addictif, de la dopamine, le neurotransmetteur de la récompense qui nous encouragent à repousser sans cesse nos limites. Attention aussi à l’effet de groupe et à notre égo lorsqu’on le construit à partir du regard des autres, comme ce matamore qui a posté une vidéo où il braille : « Le couloir Gervasutti, c’est la piste bleue du Mont-Blanc ! » Une illusion de toute puissance que l’on retrouve chez certains dépressifs qui défient la mort, comme les guerriers du Moyen-âge se soumettaient au jugement de Dieu : l’ordalie.

 

N’oublions jamais que les premiers piliers du courage sont la conscience et la lucidité ! Face à une prise de risque, plutôt que de nous laisser entrainer par notre élan naturel, la première chose à faire est de comprendre les racines de cette force, de ses motivations et d’éliminer celles qui éloignent de la réalité. Toutes nos envies ne brouillent pas, heureusement, notre appréciation du risque : le plaisir d’être en montagne, de partager avec ses amis un émotion forte, etc. Certaines motivations peuvent même être qualifiées de nobles ou vertueuses lorsqu’elles nous tirent vers le haut et le bien. Elles nous permettent alors de progresser, d’étendre nos capacités, de faire plaisir, d’aider voire de secourir les autres en affrontant des risques maîtrisés.

 

Parmi les freins qui nous retiennent, la peur, tout à la fois archaïque et complexe, est la résistance la plus puissante. Du psychopathe au grand anxieux, nous ne sommes pas tous égaux face à la peur. Un fameux neuropsychologue autrichien propose d’ailleurs qu’une large proportion de sportifs extrêmes (et donc les alpinistes ?) ont une faible sensibilité, acquise ou innée, aux émotions et à la peur… ce qui est l’un des traits de la psychopathie ! A l’inverse, les grands anxieux sont pénalisés par une sensibilité  exacerbée, une forte capacité à emmagasiner des souvenirs douloureux et, dans le même temps, une imagination débordante et un don certain à se projeter dans le futur : « Et si… ».  Parfait pour bien se préparer avant une course difficile et…  alimenter le mal des rimayes !

 

Entre ces deux extrêmes, face à un danger réel ou perçu, il n’est pas évident de réduire le niveau de peur ou d’anxiété. La pire des solutions serait, par exemple sous la pression du groupe, de l’ignorer ou de faire semblant de l’ignorer ! Autant jeter à la poubelle les alarmes incendie car celles-ci sont trop bruyantes. La priorité consiste à ramener, autant que possible,  le danger perçu (l’intensité de la sonnerie) au niveau du danger réel (l’incendie). L’exercice n’est pas facile car il existe des peurs sans danger, comme la peur du vide alors que l’on est solidement assuré, mais aussi des dangers sans peur, comme le Mal Aigu des Montagne, rarement craint par les alpiniste et pourtant responsable de nombreux accidents mortels.

 

La seule véritable méthode  pour réduire le niveau de peur (et de danger) est encore d’acquérir progressivement des compétences en compagnie de camarades expérimentés nous permettant de mieux comprendre la nature du risque. Rien de très original depuis Aristote qui proposait que la vertu du courage, située entre la témérité et la crainte, s’apprenait en posant de petits actes de courage… Plus le danger est élevé et proche, plus la progression doit être lente et contrôlée.

 

Résumons : face à un risque donné, la décision « d’y aller ou pas » dépend de la balance entre la somme des motivations et celle des freins, à commencer par la peur. Mais cette balance est trompeuse, car de trop nombreuses motivations nous éloignent de la réalité et de ses dangers, mais aussi parce que les peurs ne sont pas toujours corrélées aux dangers réels. L’apprentissage de la prise de risque commence donc par éliminer ces motivations parasites (égo, addiction, etc.) tout en ne gardant de ses peurs que la substantifique moelle : l’alerte par rapport à un danger réel.


 
 
 

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On dit que j'ai déjà vécu  plusieurs vies avec passion. Ingénieur-plongeur, dirigeant d’entreprise, accompagnateur en montagne, journaliste et écrivain… Depuis quelques années, je me  consacre principalement à l’écriture, aux voyages et à la montagne. 

J'ai  publié une dizaine de livres dont les derniers :

Rêves d'Icare — Pionniers et Aventuriers du vol non motorisé (ed. Paulsen)

Tirirou — le petit cochon de la montagne (ed. Mont Blanc) :  Champion de Ski — Secouriste

Le Seigneur des Ecrins (ed. du Mont-Blanc)

Du Courage — Éloge à l'usage des aventuriers et… des héros du quotidien (ed. Paulsen).

Eloge de la Peur (ed. Paulsen)

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