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Léon Zwingelstein
Première Traversée Hivernale des Alpes

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A l’heure des réseaux sociaux et de l’information permanente, chaque skieur ou alpiniste, Gopro fixée sur le casque, est désormais assuré d’avoir son quart d’heure, ou au moins sa minute de gloire. Quel contraste avec Léon Zwingelstein qui, seul, voilà bientôt 90 ans, a entrepris dans un anonymat quasi absolu, une presque double traversée hivernale des Alpes : 2000 km et près de 60 000 mètres de dénivelée… en moins de 90 jours.

Tout commence le 1er février 1933… Rappelez-vous, six mois après les élections de l’été, le vieux président Hindenburg, faute de majorité, demande à Adolf Hitler de former un gouvernement et dissout le parlement…

Ce même jour, Léon Zwingelstein, un ingénieur de 34 ans, lourdement chargé, s’élance sur les pentes enneigées du Lautaret… Voilà des mois, peut-être des années, loin des miasmes de la politique européenne, qu’il prépare son « voyage » à travers les Alpes : entrainement physique et alpin, bien entendu, mais aussi équipement : une paire de skis d’à peine 2 mètres de long avec des carres en laiton et des fixations à ressort tendeur, des peluches  à coller plutôt que des peaux de phoque à sangles, une paire de crampons, un piolet, une corde, un réchaud à gaz et même une tente de 1,35 kg de sa fabrication qu’il peut convertir facilement en sac de bivouac !

Malgré les 22 kg de son barda, il entame les premiers virages sans hésiter. Le christiana est encore loin d’être parfait car, Zwing, qui a grandi en Bretagne, a appris le ski sur le tard. Plutôt que skieur sportif, il se qualifierait d’alpiniste ou montagnard : une compétence acquise principalement en Oisans, son massif de cœur, pendant ses études à l’Institut d’électrotechnique de Grenoble.

Cette première traversée doit le conduire à la Méditerranée… Un simple galop d’essai avant la véritable épreuve : la traversée Nice -Tyrol qu’il détaille avec une sage écriture d’écolier dans son carnet de route joliment illustré de dessins à l’encre de chine dans le style de l’époque. Zwing, comme l’appellent ses amis, surprend par son endurance et sa détermination sans faille

L’homme, malgré son jeune âge, est marqué par les épreuves : la perte de son père à quinze ans, la guerre bien sûr : « On ne saura jamais tout ce qu'ont pu souffrir, dans cette tourmente, des jeunes comme nous, trop habitués à la douceur d'un foyer. La guerre... Ce ne furent pas seulement les blessures dans mon corps, ce fut aussi la marque au fer rouge sur mon âme, sur mon caractère (...) A vingt ans, nous couchions dans les tranchées, sur des cadavres... Vingt ans! L'âge heureux! Pour nous autres ce fut l'enfer. J'ai failli mourir à l'hôpital. Il aurait mieux valu cela... ». La guerre donc, mais aussi le départ de la femme aimée, la faillite de sa petite entreprise… Alors, pour lui, le froid, la fatigue, la souffrance physique ne sont rien. Le petit homme râblé enfile ainsi comme des perles les étapes monstrueuses : Monestier — col d’Izoard, Col d’Izoard — Guillestre, etc. Les journées de douze heures avec 50 km au compteur et 1500 m de dénivelée positive ne sont pas rares ! Grâce à sa maison de toile, soigneusement roulée en haut du sac, il ne craint pas les arrivées tardives ou même nocturnes.

Il rallie ainsi Nice en six jours : à peine le temps de humer le parfum des mimosas et de maudire la foule qui se presse au carnaval ! Déjà, le solitaire retourne vers les hauteurs.  Quittant Nice le 12 février, il remonte vers Chamonix, en faisant une halte à Saint-Véran dans le Queyras où il note : « les habitants sont plus éveillés et sympathiques que dans l’autre côté. » Un constat qui reste encore vrai aujourd’hui…

 

 

Rejoignant la Vanoise, il peste ainsi contre les « sportsmen », venus skier à Tignes, qui lui refusent une place dans leurs belles automobiles alors que la nuit tombée il tente de rallier Bourg Saint-Maurice depuis Sainte-Foy. Finalement arrivé à pied au Bourg, le village est envahi par les chasseurs alpins le temps des manœuvres. Pas une chambre de libre ! Il attend ainsi dans une salle de restaurant qu’un général veuille bien finir son génépi avant de prendre possession d’un fauteuil. La soirée s’éternisant, Zwing se réfugie dans une salle de bain pour y dormir…

Les étapes dantesques se suivent et lui permettent, malgré le temps pourri, d’atteindre Chamonix le 26 février où il s’étonne, en longeant la patinoire, d’entendre les haut-parleurs crachoter : « C’est nous le gars de la Marine ! Quand on est dans les Cols Bleus, On n’a jamais froid aux yeux… »

Aucune volonté d’établir des records ni d’épater la galerie. Hormis le Mont-Rose, puis le Mont-Blanc au retour, notre solitaire évite les sommets afin de voyager au rythme qui lui convient. Il emprunte même, entre Modane et Termignon, un « électrobus ». Modeste, il écrit : « j’aurais pu faire du bruit, de la publicité autour de mon voyage, me faire recevoir, être encouragé… J’ai préféré passer inaperçu. »

Pourtant ce voyage n’est pas une simple performance sportive. Chaque jour apporte son lot d’embarras et de dangers : faire la trace dans la profonde ou dans la neige molle, zigzaguer entre les crevasses un jour de brouillard, franchir les rimayes, identifier et contourner les pentes avalancheuses. Seul, hormis pendant le trajet Chamonix-Zermatt, il sait qu’il n’a pas le droit à l’erreur. Ainsi à l’approche du col des Rochilles, ses peluches gelées par le froid ne le retiennent plus. Il monte alors en arêtes de poisson puis alors que la pente se redresse, fixe ses crampons sous ses skis et monte comme il peut. Plus au Nord, alors qu’il s’est engagé sur un glacier, il pose un rappel pour franchir un mur de glace vive recouvert de poudreuse. Ses skis pendus sous ses pieds servent de chasse neige et lui permettent de visualiser la pente car la nuit vient de tomber. Enfin, il rejoint un replat où il peut monter sa tente… à 3200 m. Quelques jours plus tard, il est contraint de traverser un étroit couloir d’avalanches incliné à 70°.

Zwing n’a pourtant rien d’une tête brûlée. Chez lui tout est préparé, pesé, calculé… Plus d’une fois, après une grosse chute de neige, il remet au lendemain son départ. Mais la raison ne peut pas tout. Voyant, après une dure journée, une série de croix valaisannes annonçant une zone particulièrement avalancheuse, il n’a pas le choix : « il faut passer… »

Plus que les obstacles et les risques physiques, cette âme sauvage redoute la rencontre avec les êtres animés, à commencer par une meute beuglante de Saint-Bernard qui accompagne cet anachorète de la religion réformée jusqu’aux portes de l’hospice. Mais les hommes sont les plus à craindre ! Passe encore les raisonneurs et les raseurs qui, au mieux, lui déconseillent de partir, et, au pire, le traitent de fou. Zwing craint surtout les hommes en uniforme — Les séquelles des bombardements et des gaz du front de Champagne ? — comme ces gendarmes rencontrés aux confins des Basses et Hautes Alpes qui scrutent avec suspicion le passeport  de cet orignal qui s’approche d’un peu trop près des fortifications frontalières : «Zwingelstein ? Pas très français ni catholique tout ça… », ou encore ces douaniers suisses qui le mettent en garde contre les douaniers fascistes qui ont la gâchette facile. Il ne s’en émeut guère : « Je sais par expérience, qu’il faut beaucoup de balles pour tuer un homme. »

 

 

 

 

 

 

 

Arrivé seul avec son camarade au pied du Cervin, il se félicite de l’absence de touristes « le Baedeker en main, portant en bandoulière le Kodak, de l’autre les jumelles. » Mais à Davos, curieux de skier la célèbre descente de Parsenn, il n’hésite pas à débourser 7 Francs Suisses, une fortune, pour prendre le funiculaire : 1030 m de gagnés  mais quelle déception, à peine débarqué au sommet de la montagne dans un hôtel d’altitude. Les passagers du wagon, plutôt que de jouir du panorama, se précipitent sur la piste de neige durcie, bordée de fanions, afin de multiplier les allers et retours et justifier leur abonnement journalier… « Ce n’est plus de la montagne » se désole-t-il, « mais seulement du sport de plein air… »

Le 7 avril, alors que les nazis interdisent désormais aux avocats « non aryens » d’exercer, Zwing après une brève incursion en Autriche entre Arlberg et Tyrol, fait demi-tour faute de visa. Il longe à nouveau la haute vallée du Rhin en empruntant cette fois-ci la rive gauche afin de rejoindre la cabane Konkordia dominée par la Jungfrau. Il franchit alors les 80 mètres d’échelles — aujourd’hui plus de 200 mètres —  faisant la jonction entre le glacier et le refuge.

Cloué par la pluie et le mauvais temps à Brigue, il se résout à prendre le train, sans tambours ni trompettes, pour rentrer à Chamonix, le 2 mai… Une année plus tard, le 13 juillet 1934, Zwing et son camarade de cordée, tombent foudroyés en descendant du sommet de l’Olan.

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On dit que j'ai déjà vécu  plusieurs vies avec passion. Ingénieur-plongeur, dirigeant d’entreprise, accompagnateur en montagne, journaliste et écrivain… Depuis quelques années, je me  consacre principalement à l’écriture, aux voyages et à la montagne. 

J'ai  publié une dizaine de livres dont les derniers :

Rêves d'Icare — Pionniers et Aventuriers du vol non motorisé (ed. Paulsen)

Tirirou — le petit cochon de la montagne (ed. Mont Blanc) :  Champion de Ski — Secouriste

Le Seigneur des Ecrins (ed. du Mont-Blanc)

Du Courage — Éloge à l'usage des aventuriers et… des héros du quotidien (ed. Paulsen).

Eloge de la Peur (ed. Paulsen)

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© 2025    Textes, Vidéos et Photos Gérard Guerrier (sauf indication contraire)

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