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Des îles et des montagnes

En cette période de crise, les îles reviennent à la mode ; sans doute une manière d’échapper à la morosité ambiante, aux vents mauvais qui soufflent sur le continent. Les îles, quintessence des vacances, de l’évasion chic et chère pour bobos en mal d’exotisme, deviennent même un concept marketing sophistiqué. Ainsi, comme pour les sacs Hermès, les doudounes North Face, on ne compte plus les imitations d’îles : le Péloponnèse, vulgaire avancée dans la mer que les Grecs ont séparé du continent en perçant le canal de Corinthe, le Mont Saint Michel desservi par des navettes d’autocars, ou encore l’île Verte à Grenoble entourée de centres commerciaux et de champs.

 

D’ailleurs, sérieusement, une île, c’est quoi ?  « Une terre entièrement entourée d’eau » nous enseigne le Petit Robert. Bon, la Corse, l’île d’Elbe ou Sainte Hélène, je veux bien, mais L’Australie, ou même Madagascar qui s’étire sur 1600 kilomètres, Bornéo, etc. Ce sont encore des îles ? A partir de quelle taille, une île n’est plus une île ? A l’inverse, une île est elle encore une île quand elle est reliée au continent par un pont ou un tunnel ? Une définition pragmatique à l’usage des randonneurs pourrait être celle-ci : « tu montes, tout en haut et quand tu y es, tu ne vois que la mer autour ». Mais à ce compte là, on élimine, l’île d’Oléron, plate comme une sole, Belle île, etc.

 

Finalement la seule définition qui me semble rigoureuse est celle-ci : « une île est une terre entièrement peuplée d’habitants persuadés d’habiter sur… une île ». Ne riez pas ! Ce sentiment, ou complexe d’insularité est bien une caractéristique des îles : la certitude d’être différent ! Cette notion d’insularité a d’ailleurs le don d’énerver plus d’un continental. Quand l’insulaire vante ses traditions, le continental ne voit qu’archaïsme, quand l’insulaire parle de « continuité territoriale », le continental ne voit que « favoritisme »,  et « gaspillage des deniers publics », etc. Cet antagonisme ne date pas de Charles Pasqua ! De tous temps, les continentaux ont utilisé les îles pour y éloigner les gêneurs, les indésirables : Napoléon bien entendu, mais aussi Victor Hugo à Guernesey, Malaparte à Lipari, les russes blancs aux îles Solovki…            

 

Mais ce même concept d’insularité n’est-il pas lui-même une autre illusion,  un attrape-bobo ou pire un outil de propagande, une pompe à subventions ? En effet, à l’heure où les distances s’effacent avec les dessertes aériennes, avec Internet, les îles sont de moins en moins marginalisées par les distances physiques. Elles peuvent encore l’être par la marginalisation volontaire de leurs habitants : l’insularisme ! A ce compte, ne devrait-on pas décréter que les habitants du Haut Dolpo (Népal), isolés du reste du monde par des cols de plus de 5000 mètres sont des insulaires, que le plateau du Vercors flottant  en hiver sur une mer… de nuages est une île ?

 

D’ailleurs, sérieusement, une montagne, c’est quoi ? A partir de quelle altitude, de pente, etc. une ondulation orographique, un accident géologique peuvent-il être qualifiés de montagnes ? Bon, autant vous proposer tout de suite mes définitions :

Poétique : « une montagne est une étendue de terre, entièrement entourée de ciel »

Politique : «  Une montagne est une terre entièrement peuplée d’habitants par des gens persuadés d ‘habiter… en montagne »

Pragmatique : « Une terre isolée entièrement entourée de terre »…

 

L’analogie entre île et montagne ne s’arrête pas là ! En montagne comme sur les îles, on ne compte plus les bannis et les exilés : Mussolini au Gran Sasso, Pétain au Pourtalet, Johnny à Gstaad !

 

Enfin, une île montagneuse, c’est quoi ? «  Une terre entièrement entourée de mer et de ciel », « une terre habitée par des habitants schizophrènes incapables de choisir entre la mer et le ciel » ou mieux encore… « une île au cœur de l’île »…

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