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Espèces Nuisibles…

 

 

Je ne chasse pas et, pour tout dire,  je n’ai pas une grande affection pour les chasseurs. Mais je suis un lecteur assidu des anciennes revues et  livres de chasse, véritables mines d’information pour tous les amoureux de la nature. Ainsi la description, par Alpinus, en 1873, du grand Pic Noir : « .. d’une suprême distinction, au manteau d’ébène encapuchonné de pourpre romaine… creuse …jusqu’au cœur des arbres les plus robustes et les plus sains. Imprévoyance fatale et doigt de Dieu ! Le vent vient en rafale qui courbe le sapin devenu pulmonaire. L’arbre se rompt au point faible creusé par l’oiseau, écrasant presque toujours la nichée dans son domicile, une catastrophe pour vice de construction. » Ainsi le superbe livre du docteur Couturier (Arthaud, 1964) sur le gibier des montagnes françaises, qui je crois, n’a jamais été égalé. Saviez-vous par exemple qu’un gros chamois a été capturé, alors qu’il franchissait le lac d’Annecy à la nage, à la hauteur de Talloire ou que le lièvre variable est myope voire daltonien ?

 

La lecture des chapitres sur les « nuisibles », des bouquins publiés au début du XX° siècle, est particulièrement instructive, comme le montrent ces quelques extraits : « Alors que les louvarts (petits loups) n’ont pas quitté leur mère, on peut les attaquer à courre avec des chiens très mordants ; c’est une chasse très amusante, parce que l’animal ne songe pas à prendre partis et se fait battre comme un lapin.. ». Sur les chats domestiques : « Tout chat trouvé en maraude doit être… impitoyablement immolé.. ». (Extraits de « La Chasse Moderne », Larousse, 1905).  Encore mieux, sur le gypaète barbu : « Il devient heureusement rare en France… » ou sur la martre « La martre, un des membres les plus malfaisants des mustellidés est heureusement peu abondante en France » et enfin : « J’ai pour la pie une aversion sincère… Elle n’a rien pour elle, elle n’est bonne qu’à tuer » (Dans Les chiens, le gibier et des ennemis, 1907). En lisant cette prose, on comprend mieux, comment nous en sommes arrivés là. « Belle époque » où l’on avait une confiance totale en la science, le progrès et l’homme. Bel optimisme aveugle, quelques années avant de plonger en barbarie .

 

Dans notre nouveau siècle d’hyper information, nous sourions avec indulgence devant nos benêts d’ancêtres, crétins des Alpes qui croyaient savoir mais qui n’avaient rien compris à rien. Mais aujourd’hui, quels sont les louvarts, gypaètes, martres et pie que nous massacrons en  bonne conscience parce que justement nous savons, ou plutôt nous croyons savoir ?

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