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Une Reco dans le Champsaur

Pour mon dernier Week End reco, j’ai choisi un temps de chien ! Il a plu toute la nuit… Malgré la méthode Coué « On va vers le beau… », l’ambiance dans la voiture reste au morose grisâtre, tendance essuie-glace,  alors que nous roulons vers le Valgaudemar. Il est 6h du matin et il pleut à verse ! Une décision s’impose : « on fera la reco en sens inverse : de Prapic vers le Valgaudemar », la première étape en partant de Prapic étant plus facile et moins « piégeuse » que la seconde….

 

C’est donc à 8h que nous démarrons de Prapic perdu dans les nimbes. L’atmosphère écossaise se prête à un détour mélancolique au tombeau du poête, niché sous un énorme bloc. De là, nous décidons de partir hors sentier pour rejoindre le chemin plus haut. Funeste décision…. Avec l’orage de la nuit, les torrents ont gonflé et nous imposent une traversée Indiana Jones : corde tendue et petite culotte, toujours sous la pluie ! La suite se déroule dans le brouillard qui ne consent qu’à se déchirer au lac des Estaris.

 

Nous voilà maintenant à pied d’œuvre , ou plus exactement au pied du col de Prelles dont la traversée est un point fort du circuit. Côté Sud, RAS….  Ça monte pépère tranquille dans des pentes finalement assez débonnaires. Arrivés au sommet, le décor change : nous sommes dans le royaume du vertical, défendu par quelques barres rocheuses, des bandes de schistes écroulées… Le sentier n’existe plus, seule une vague trace indique que, peut être, il est possible de descendre ! Bruno, en grande forme, engage résolument un talon énergique dans la pente… Nous le suivons. Finalement, en mettant quelque fois les mains, en prenant garde à bien placer ses pieds, ça descend sans sortir la corde, de ressaut en ressaut, de touffe de génépi en touffe de génépi. La difficulté franchie, nous rejoignons le col du Cheval de Bois en traversant un immense pierrier, puis un sentier qui nous mène tranquillement au refuge du Pré des Chaumettes où orchestre la famille Ailloud et leur aide gardien : Fried, mon fils aîné.

 

Il a fallu négocier sec avec les filles pour obtenir un départ à 6h30. Je prévois une arrivée à 16h, mais Yves Ailloud sourit et dit à mon fils : « ils n’arriveront pas avant 17h, au mieux !»

Cette journée (à l’envers) représente en effet le point d’orgue de ce raid : 17 km de développée et 2200 m de dénivelée…. Un itinéraire de fou, réservé aux randonneurs les plus volontaires et les plus avides de découverte. Cela commence tranquillement (dans ce sens) en empruntant le GR54 jusqu’aux cols de Valette et de Gouiran (3h quand même)… Il fait un froid de canard renforcé par le vent qui projette contre nous quelques flocons épars. Au passage des cols, le sol est gelé : ambiance ! Nous quittons alors le GR pour suivre une belle trace de mouton et rejoindre la cabane à sel du Mourre de Clausis. L’ambiance descend d’un cran lorsque nous voyons ce qui nous attend : une longue traversée descendante (montante dans le raid) qui traverse des pentes schisteuses et pentues à souhait. Seule une vague trace de moutons, parfois de la largeur d’une semelle indique un passage possible. Après une centaine de mètres, notre amie fait un refus devant l’obstacle : trop vertical, trop de vent, trop mouillé. Je taille pourtant de larges marches dans le schiste avec mon piolet, lui propose d’installer une corde fixe… Rien n’y fait. Accompagnée de Birgit, elle rebrousse le chemin pour rejoindre le GR et descendre par le tour des Ecrins vers la Chapelle. Nous continuons avec Bruno sur cette trace incertaine. En fait peu à peu la pente se calme et la trace devient plus large. Notre conclusion : en montant, par beau temps, avec des clients au pied sûr, cela passe sans problème mais avec un peu d’émotion. Arrivées au Vallon long, nous construisons quelques cairns, à l’usage des groupes prochains, puis remontons sans plus de problème vers le col de Morges, superbement isolé à 2800 m. Je fais le pari que ce col voit moins de dix personnes par an… La descente sur La Chapelle est d’anthologie : pentes raides mais molles de schistes, parcours d’arêtes où  poussent l’achillée naine, le génépi, pelouse rase, précipices… Nous rejoignons un sentier pour faire le tour du cirque de la Buffe. Après un alpage parsemé de ruines, le sentier en zig zag, s’engage dans une pente à plus de 50° au milieu des vernes qui jouent les alpinistes. Il faut être attentif et ne pas se laisser distraire par les innombrables lys martagons, lys orangés qui semblent plantés par un jardinier des montagnes… Nous atteindrons finalement La Chapelle à 16h08 ! Dans le sens du raid, il faudra sans doute compter une journée de douze heures. Le prix à payer pour avoir accès à un itinéraire unique et sauvage, une longue remontée dans un temps où la montagne était encore le refuge de l’imaginaire.

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