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Les Naufragés (Pieds Nickelés?) de la Vanoise

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Ce samedi 13 février 1999, Olivier et Philippe, les deux frangins en provenance de Cavaillon et de Perpignan, retrouvent leur pote Christophe, le parisien, à la gare de Valence. Ensemble, après avoir récupéré leur matériel de loc. (DVA, pelle et sonde), les trentenaires prennent la direction de la Vanoise pour un raid de cinq jours : une première pour Olivier alors que Philippe et Christophe, sans être des experts, ont déjà randonné à ski ensemble.

Le temps est frais avec un léger voile nuageux. D’ailleurs le bulletin météo prévoit de faibles chutes de neige pour les prochains jours. « On verra sur place » se rassurent les trois amis. Ils se rendent ainsi au refuge du col de la Vanoise le lundi 15 février. Ils y rencontrent deux gardes du parc national qui les mettent en garde : « avec la neige qui va venir, évitez les pentes raides… » Ils décident alors de changer leur itinéraire pour réaliser la traversée des glaciers de la Vanoise, aux pentes moins avalancheuses que leur plan initial.

Le lendemain, le temps semble s’améliorer. Confiant, le trio met le cap vers le col du Dard, situé à 3153 m. Une promenade de santé ! Alors qu’ils descendent les pentes qui mènent au col du Pelve, un voile d’altostratus couvre rapidement le ciel et enveloppe bientôt le sommet de la Grande Casse. Sagement, ils décident de faire demi-tour. Le temps de re-peauter et de remonter au col du Dard, le nuage est descendu à leur niveau les enveloppant bientôt dans le brouillard. « Il faut viser les rochers du Genepy ». Situés à deux kilomètres, à l’extrémité d’un plateau légèrement descendant, ces barres rocheuses, marquent le début des pentes qui mènent au refuge. La boussole est sortie. Mais faute d’expérience et par peur des crevasses, les randonneurs, sans visibilité, tirent trop à l’Est vers la pointe de Réchasse, soit un écart de 15 à 20° par rapport à leur objectif.

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Vers 16 heures, ne voyant pas les rochers du Genepy et butant contre une pente, ils se rendent à l’évidence. « Nous sommes perdus ! »  Ils construisent ainsi un igloo dans une congère pour y passer la nuit. Le lendemain, pensant retrouver l’itinéraire de montée, ils font une sortie et partent sur la droite, à l’opposé de la bonne direction. Heureusement, ils réalisent bientôt que cet axe ne mène nulle part sinon à des pentes trop raides pour être skiées. « Mais où sommes-nous ? » Ils retournent donc à leur igloo et entament une hivernation de dix jours qui fera la une des radios et des journaux nationaux. En effet, le feuilleton est alimenté par un premier contact, par téléphone portable, le samedi 20 février, soit 5 jours après leur départ du refuge, avec les secouristes de la CRS de Modane. Trop tard pour les policiers. Les conditions météorologiques, médiocres jusque là (brouillard, chutes de neige et vent variable), empirent avec le passage d’un front froid et un vent du Nord approchant les 100 km/h. Dans ces conditions quasi-polaires, les hélicos de la Sécurité Civile et de la gendarmerie sont cloués au sol.

 

 

 

 

 

 

Le feuilleton se poursuit avec plusieurs échanges téléphoniques entre les secouristes et ceux qu’on appelle désormais : « les naufragés de la Vanoise ». Alors qu’ils s’apprêtent à passer une nouvelle nuit blanche, le responsable des secours s’inquiète : « ils atteignent une limite physique. Ils n'ont plus de vivres depuis dimanche. Leur réchaud est en carafe et ils ne peuvent plus faire chauffer d'eau. Il y a un risque d'hypothermie. »  Du pain béni pour les nombreux journalistes dépêchés sur place! A Pralognan et au refuge, on ne compte pas moins de quarante sauveteurs, CRS et gendarmes, et trois hélicos, dont un Puma de l’Armée de Terre, équipé d’une caméra thermique. Le dimanche 21 février, en pleine tempête, les secouristes montent une caravane terrestre qui, après avoir localisé grossièrement le téléphone, se rend dans le secteur de la Pointe de la Réchasse et passe à moins de 500 m de l’igloo. Alors que les conditions s’améliorent un peu, l’équipage du Puma prend tous les risques et fait une reconnaissance de nuit pour un vol à vingt mètres du sol. En vain !

Enfin, le jeudi 25 février, les « naufragés de la Vanoise » se réveillent avec le soleil et le ciel bleu. Alors qu’ils s’apprêtent à lever le camp, l’hélico bleu de la gendarmerie les survole. Le « Happy End » est célébré en fanfare par la presse qui vante l’incroyable résilience des randonneurs, par les secouristes qui les félicitent pour la qualité de leur abri et même par Lionel Jospin, le Premier ministre !

                                                                                                          Photo le DL​

Patatras ! Quelques jours plus tard, les naufragés devenus les « héros de la Vanoise » mettent fin brutalement à la conférence de presse organisée au sein de l’hôpital de Moutiers, dès lors que l’on met en cause leur responsabilité. Un envoyé spécial est même menacé devant les caméras — la séquence sera diffusée au journal de 20H — « Toi, la prochaine fois que tu me poses une colle, je te fous mon poing sur la gueule. » Interloqués, les journalistes découvrent bientôt la raison de leur nervosité. Le trio a vendu l’exclusivité de leur récit et leurs photos à Paris Match qui en fera sa couverture. Le montant du marché aurait été de 350 000 Francs — l’équivalent de 80 000 € ! De quoi choquer les pilotes et secouristes qui ont pris de grands risques pour retrouver les naufragés. Le substitut du procureur d’Albertville se lâche même : « Quand je les entends qualifiés de héros, j'ai plutôt envie de dire : zéros. » Peu à peu, les langues se délient et certains viennent à douter de la sincérité des « naufragés ». On s’interroge : n'ont-ils pas négocié avec Paris Match depuis leur igloo ? Certains vont même jusqu’à dire qu’il s’agit d’un coup monté.

Difficile sans avoir accès aux dépositions recueillies par le PGHM de se prononcer avec certitude. Une chose est sûre : malgré l’article de Paris Match les présentant comme des « montagnards aguerris », Philippe, Olivier et Christophe ont fait preuve, tout à la fois, de légèreté et d’inexpérience. Légèreté en s’engageant dans une longue traversée paumatoire, en dépit d’une météo indécise ; en ne prenant pas au sérieux les avertissements des gardes du parc. Inexpérience quand ils ne réalisent pas immédiatement la gravité de la situation alors que le voile d’altostratus s’abaisse rapidement ou quand ils font une erreur de 15-20° en progressant dans le brouillard, quand enfin, les premiers jours, ils s’obstinent à rester dans leur igloo alors que les conditions sont encore gérables et que les pentes menant au refuge sont peu avalancheuses.

Alors « naufragés », « héros », « opportunistes » ou « zéros » ? Pour ma part, j’opterais plutôt pour Croquignol, Filochard et Ribouldingue, les trois « Pieds Nickelés », tout à la fois hâbleurs et un peu filous.

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On dit que j'ai déjà vécu  plusieurs vies avec passion. Ingénieur-plongeur, dirigeant d’entreprise, accompagnateur en montagne, journaliste et écrivain… Depuis quelques années, je me  consacre principalement à l’écriture, aux voyages et à la montagne. 

J'ai  publié une dizaine de livres dont les derniers :

Rêves d'Icare — Pionniers et Aventuriers du vol non motorisé (ed. Paulsen)

Tirirou — le petit cochon de la montagne (ed. Mont Blanc) :  Champion de Ski — Secouriste

Le Seigneur des Ecrins (ed. du Mont-Blanc)

Du Courage — Éloge à l'usage des aventuriers et… des héros du quotidien (ed. Paulsen).

Eloge de la Peur (ed. Paulsen)

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